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Le blog de Maroudiji

Les grands enjeux de société et les idées qui en font la trame, avec humour, passion et gravité.

Désaccord entre soufis et musulmans orthodoxes

Pour exemple, prenons le cas d’Abu Yazid Bastami qui vécut au 9ème siècle. Ses ancêtres, selon Henri Corbin*, étaient mazdéens et il abandonnera le zoroastrisme pour se convertir à l'islam. «Il est à juste titre considéré comme l'un des plus grands mystiques que l’islam ait produits.» Le soufisme est considéré comme une pratique religieuse grâce à laquelle l'intéressé entre en communion avec Dieu, par le biais de l'extase, et ne forme plus qu'un avec Lui. La symbiose est si forte et l'émotion si envahissante que la confusion est totale, la raison ne sachant plus distinguer qui est qui. Le moi et le je se volatilisent, alors que Dieu apparaît non différent de soi. Le pratiquant en arrive à se prendre pour l’Être suprême. « J'ai vu mon Seigneur par l'oeil du Coeur. Je dis: « Qui es-tu ? » Il répondit: « Toi », ainsi débute le poème du plus connu des soufis, Hallâj (922). Il fut mis à mort pour ses convictions par d'autres musulmans, et d'autres soufis, car tous ne voyaient pas ce rapport avec Dieu du même œil. Comment l'être individuel, sage de surcroît, peut-il se méprendre au point d'affirmer être Dieu? À cet égard, la sensibilité de certains soufis leur évite de tomber dans ce piège. Au plus haut de l’extase, ils expérimentent ce qu'ils qualifient de réciprocité. «Le divin et l'humain, commente Henri Corbin, s’unifient et réciproquent dans un acte transcendant d'adoration et d'amour.» Il n'y a donc pas unité absolue, mais une relation personnelle et éternelle. Une goutte de l'océan, si la métaphore peut servir, ne devient jamais l'océan.

* Histoire de la philosophie islamique.

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Kabir: une expérience mystique au-delà des religions

« Ils portent des noms différents,
Mais sont pots de la même argile!
Kabir vous le dit, tous deux se sont égarés,
Et nul n'a trouvé Ram. »

Michel Guay, l'auteur, écrit: « Kabir parle de l'immanence quand il fait dire à l'ami: "Où vas-tu me chercher? Je suis ici, avec toi."  Il parle aussi de l'amour, cette "histoire inénarrable", puisque "toux ceux qui en sont revenus sont devenus muets" et c'est de ce même amour que parle saint Paul quand il dit: "J'ai beau avoir toute la science, si je n'ai pas l'amour, je n'ai rien. (1 Corinthiens 13, 2) C'est de cette expérience, le summum de la vie humaine, que parle le mystique tisserand, ce Kabir dont j'ai voulu faire connaître la trame par ce livre. »

Je viens d'ouvrir le livre et ces lignes, que vous venez de lire, sont tirées de l'introduction. Il y a beaucoup à dire sur tout cela; food for thought, comme disent les anglais.

Kabir et les musulmans de l’Inde

Bénarès, la ville Lumineuse où l’on meurt heureux est une grande ville millénaire, aussi prestigieuse qu’« Athènes, La Mecque, Rome, Pékin ou encore Jérusalem ». Elle est considérée comme la porte du paradis par laquelle l’individu, incarné dans ce corps misérable, temple vivant sacralisé par la présence du souffle divin, peut atteindre à la libération du cycle quasi éternel, des morts et des renaissances sans fin, le samsara. « Puisqu’aux cadavres eux-mêmes, sur le bûcher funéraire, écrit Guay, Shiva en personne murmure le « mantra du passage ». Pour cela, il suffit simplement d’être né en ce lieu saint ou, surtout, d’y venir trépasser selon les rites dont le Gange assure le succès. En fusionnant les cendres du défunt avec ses eaux purificatrices, l’âme retourne à sa condition originelle et divine, la félicité, libérée des dualités et de la souffrance. En outre, dans l’âge de kali, celui que nous traversons, la procédure est facilitée par les dieux, ainsi que le dévoilent les anciens textes sacrés tels les Purana. En effet, (suivez bien), vu la condition dégradante que provoque l’évolution, le temps inexorable qui détruit tout sur son passage et rapetisse les qualités innées des êtres en ce bas-monde, en l’occurrence la mémoire et l’intelligence, essentielles au développement des civilisations, par voie de conséquence à la cohérence sociale des individus ; en regard, donc, à ces défauts tous azimuts grugeant la nature et les esprits de plus en plus englués dans le karma et les leurres de la vie, Vishnou, le Dieu des dieux, assure que la libération sera au rendez-vous ! Et cela, malgré le peu d’entrain au renoncement et à la dévotion de la part des aspirants, pratiques généralement intransigeantes et incontournables, et malgré que dans l’âge de kali, Bénarès n’est plus un tirtha, un lieu de pèlerinage au sens original de ce vocable; les dieux n’y descendent plus. Dans cette perspective, M. Guay écrit : « Encore aujourd’hui, vieux et vieilles viennent à Bénarès pour être sûr de mourir au bon endroit. »

Écrit en 2012, à Montréal 

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P
En moi, il y a Lui et son serviteur.
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