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Le blog de Maroudiji

Les grands enjeux de société et les idées qui en font la trame, avec humour, passion et gravité.

Namibie: Un génocide qui n'a pas dit son nom

« Seuls ceux qui connaissent le passé ont un avenir ». Wilhelm von Humboldt

 

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Ce que j'ai écrit ce matin,
alors que la journée
s'annonce ensoleillée
et pleine de réjouissances
à Montréal et que le
festival Nuits d'afrique
bat son plein.

 

Les descendants du chef africain de la tribu des namas, prisonnier puis mort en détention en 1907, « se battent aujourd’hui pour récupérer son crâne, sans doute envoyé en Allemagne. » 

En effet, à cette époque les scientifiques allemands faisaient venir d’Afrique de grandes quantités de têtes provenant de cobayes humains grâce au génocide pratiqué par leurs pairs en toute bonne conscience, jusqu’à ce que la diplomatie internationale freine leur ardeur mortifère. Devant cette aubaine de crânes dont la chair avait été nettoyée au tesson de bouteille par les prisonniers (et dont les cadavres pouvaient être  membres de leur propre famille), les scientifiques se donnaient à cœur joie aux expérimentations médicales. Ceux que Cornelius-Fredericks-crane-herero.jpgl’on appellera plus tard « les anges de la mort », dans les camps nazis, étaient déjà passés par là, la Namibie, génocide avant l’heure qui passera sous silence et qui n’a de différence, dans les moyens et la haine, avec la Shoah que la technologie, cette poussée cancérigène de la science moderne. Pour l’heure, les trois quart d’un pays, composés des peuples herero et nama seront exterminés par planification, « femmes et enfants » compris, stipulait l’ordre envoyé par la plus haute instance coloniale, le général Lothar von Trotha. Le litige sur les crânes est aujourd’hui pratiquement le seul écho sur ce massacre à grande échelle qui ne dit pas son nom, cependant que les descendants des tueurs allemands, qui organisèrent les camps de la mort et envoyèrent les têtes dans les laboratoires sophistiqués d’Allemagne, continuent à vivre, là-bas, en toute aisance, sur les mêmes terres qu’occupaient leurs grands-pères, les auteurs mêmes des massacres et du vol des terres. On parle du bout des lèvres du génocide arménien, à grand renfort de mémoire du génocide juif, à la rigueur du génocide tibétain, indistinctement de génocides russe ou chinois, mais jamais du premier génocide du XX siècle, celui qui enclencha en Europe la course pour la démonstration scientifique de la supériorité de la race blanche. C’est l’homme de Neandertal qui reprend du poil de la bête; le mythe est exploitable ad nauseum. Un des maîtres de cette espèce de conquérants, Eugen Fisher, fut le père de l’anthropologie génétique allemande. La recherche pour le progrès de l’humanité consistait « dans l’idée* de prouver la supériorité de la ‘race blanche’, notamment par la mesure des crânes ».

 

namibie-genocide-herero-nama.jpg


Jeune Afrique, hebdomadaire international indépendant (# 2680), nous fait une leçon sur les dessous du déni de l’histoire africaine. «Longtemps contraints au silence, les descendants des victimes attendent toujours des réparations.» Nous nageons en plein océan des retombées scientifiques : les erreurs sont corrigées un demi-siècle plus tard. En histoire, autant qu’ailleurs. C’est une vérité de Lapalissade. En gros, la science découvre une nouvelle substance sanitaire, la commercialise sous prétexte qu’elle en a elle-même vérifié l’innocuité éventuelle, pour réaliser, nombre d’années plus tard, avec pertes et fracas -pas la science, mais par des comités du peuple-, que les maladies et les mortalités qui découlent de cette invention se comptent par milliers d’hommes, de femmes et d’enfants.


Si ce n’était pas aussi grave, je me permettrais un sarcasme. Parce qu’au moment où je lis ces lignes, j’entends à la radio que l’on vient de capturer un ancien nazi, le chef de la police d’un ghetto juif en Hongrie.

 

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Condamné à mort par contumace dans son pays en 1948, il réussit à disparaître et se fondre dans le paysage. Il s’installe tranquillement au Canada, évitant de donner les vrais détails sur ses anciennes fonctions d’ange de la mort. Devenu marchand d’armes (pour ne pas éveiller les soupçons…), activité florissante on ne peut mieux, quand on le reconnaîtra quelques années plus tard, il quittera le Canada pour son pays, la Hongrie, tout bonnement. C’est ainsi qu’il réussit à passer à travers les mailles de la police et atteindre un âge vénérable de 97 ans. Vieillard et certainement malade, il est dorénavant, du point de vue moral des pays développés, intouchable. On ne va tout de même pas l’euthanasier soixante ans après pour les 16 000 juifs exterminés comme des bêtes d’abattoir ! Ce serait-là une vengeance indigne d’une civilisation comme la nôtre, qui avons tant appris de nos erreurs. Mêmes les juifs concernés ne pousseront sans doute pas leur vindicte à exiger, 70 ans après, un traitement particulier pour ce bourreau! Et au prix que coûte la détention d’un criminel aux actes si ignobles et nombreux pour le garder sain et sauf jusqu’à son dernier souffle, on ferait mieux de s’occuper d’autres chats à fouetter que ce pauvre hère incapable désormais de nuire même à une mouche! En outre, devant le juge il a plaidé non-coupable. Imaginez l’argent que va coûter aux contribuables l’arrestation, le procès et la détention de ce sinistre individu!

herero.jpgQu’on leur rende leurs crânes, bon sang! Qu’on fasse ce que l’on veut de cet individu fini, mais la décence exige que l’on retourne les crânes aux plaignants, en attendant une indemnisation quelconque. N’a-t-on pas assez dépensé pour le devoir de mémoire des juifs exterminés durant la deuxième guerre mondiale pour ne pas venir en aide maintenant à un peuple qui subit toujours et encore aujourd’hui, dans l’indifférence planétaire, le poids de leurs chaînes invisibles? Rendez-vous compte, dans leur propre pays, sur leur propre terre, dans le cimetière où ont été jetés comme des animaux atteints de la peste Herero et Nama, les Allemands ont érigé, là, dans ce lieu de terreur, de supplices et des pires outrages, des stèles en l’honneur des soldats allemands morts au combat, durant ce nettoyage ethnique! Honte à tous ceux qui lisent ces lignes et qui poussent un soupir d’exaspération pour seule indignation!

* L’idée centrale, c’est que si l’on peut remodeler la nature on doit aussi pouvoir remodeler l’humanité. Malheureusement, j’ai bien peur que les scientifiques et les politiques n’aient pas abandonné cette utopie.

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