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Le blog de Maroudiji

Les grands enjeux de société et les idées qui en font la trame, avec humour, passion et gravité.

Un savant hindou inclassable et génial, Srinivasa Ramanujan

« Une équation pour moi n'a aucune signification, à moins qu'elle ne représente une pensée de Dieu. » Srinivas Ramanujan

Un savant hindou inclassable et génial, Srinivasa Ramanujan

Tout jeune déjà, à l'école primaire où il apprend à écrire comme les enfants en général, pauvres ou riches, Ramanujan crayonne dans ses cahiers d'exercices tout ce qu'il peut capter. Il est fasciné par le pouvoir magique de son esprit à reproduire ses impressions. Il remarque aussi que cette passion à les consigner n'est pas le fait des autres écoliers. Quand un de ses camarades plus âgé lui prête un livre, chose rare à l'époque pour les gens de sa condition (vers 1895), il l'apprend par coeur, à l'instar des bramanas d'antan, et applique sans peine les leçons, provoquant l'ébahissement de ses instituteurs. Très vite il est remarqué pour ses capacités à prendre à bras-le-corps les problèmes de calculs complexes et, au collège où il a été admis précocement, il continue à noircir ses cahiers de théorèmes que ses professeurs ont de plus en plus de mal à déchiffrer.

Grâce à leur sollicitude, il trouve un petit boulot d’aide-comptable à l'université de Madras, n'ayant pas de diplôme pour enseigner. Il a néanmoins la possibilité de continuer à écrire et il pond un article sur les chiffres de Bernoulli qui fait impression, pour user d'un euphémisme. Imaginez! Un pauvre hère, sans intérêt pour l'éducation et les diplômes académiques autres que mathématiques, sans maître et sans guru, grâce aux rêves dont il croit dur comme fer qu'ils sont inspirés par la déesse Lakshmi, la compagne de Vishnou, il publie en 1911 son premier article dans le Journal of the Indian mathematical Society... C'est tout simplement incroyable, car on peut naître avec un don pour jouer de la guitare, la danse ou le dessin, mais comment peut-il en être ainsi pour les matières intellectuelles? Voilà qui donne du grain à moudre aux tenants du déterminisme (car nous avons appris que seule l'éducation donne des ailes à la pensée).

Le succès et la gloire n'arrangeront pas cependant la condition misérable dans laquelle lui et sa femme vivent. Jugeant qu'il ne peut rien espérer du milieu intellectuel dont il a plus que jamais prouvé ses compétences et que sa situation est désespérée, il écrit une lettre à laquelle il joint des brouillons de calculs et l'envoya en Angleterre à l'adresse d'un mathématicien de notoriété internationale, Godfrey Hardy.

Quand celui-ci jaugea la pile de courriers qui trônait sur son bureau chaque matin, son attention se porta sur les timbres exotiques qui couvraient une enveloppe. Assis dans son fauteuil et tirant sur sa pipe, il l’ouvrit et la parcourut nonchalamment. Son esprit exercé remarqua que certains des théorèmes sur les nombres premiers étaient faux. Ne pouvant y voir le fruit d'un travail méthodique et raisonnable, sinon celui d'un plagiat, affaire courante en ce domaine, le tabac de sa pipe s'étant envolée en fumée, la lettre trouva le même destin que la plupart de celles qu'il recevait quotidiennement, la poubelle. Puis il s'en alla vaguer à ses occupations professionnelles.

Durant la journée, cependant, la suite confuse des chiffres et des formules gribouillés dans ces pages le hantèrent sans qu'il sût pourquoi. Le soir, de retour à son bureau, il voulut en avoir le cœur net. Il récupéra la lettre du panier, se cala dans son fauteuil et décida à nouveau d'examiner ce qu'il avait pris pour les compilations d'un obsédé. Car son oeil averti avait bien repéré des théorèmes inusités, mais leurs combinaisons ne suivaient pas une démonstration classique.

En dépit de la méthodologique tarabiscotée, plusieurs théorèmes étaient de parfaites entités inconnues et l’Indien qui lui avait envoyé ce travail ne pouvait les avoir copiés d'un article, leur originalité et la manière de les présenter étaient uniques. En les examinant sans préjugés, la facture sautait aux yeux. Maintenant qu'il relisait le document attentivement, les bras lui en tombaient! "Cette lettre, pense-t-il, est certainement la plus remarquable que j'aie jamais reçue, son auteur est un mathématicien de la plus haute qualité, un homme d'une originalité et d'une puissance tout à fait exceptionnelles."

Ne pouvant croire ses yeux tellement la chose lui semblait irréelle, il alla voir son cher ami le mathématicien John Littlewood, membre de la Royal Society et directeur de thèses d'imminents futurs scientifiques, et demanda d'y jeter un coup d'œil. Le lendemain, celui-ci déboula dans son bureau, les yeux hagards et l'allure d'un homme qui n'avait pas dormi sa nuit. Il annonça tout de go la découverte d'un génie. Jamais il n'avait vu ça!

Quand Bertrand Russell les rencontrera à son tour pas plus tard que le lendemain, il écrira ce commentaire : «Je trouvai Hardy et Littlewood dans un état d'agitation surexcité parce qu'ils croyaient avoir trouvé un deuxième Newton, un employé hindou à Madras qui gagnait 20 livres par an.»

Je vous ai donné un aperçu de ce que peut être la science divine appréhendée par un récipient humain, phénomène dont on ne parle plus depuis longtemps tant nos sociétés sont enfoncées dans le matérialisme scientifique, à vous maintenant de découvrir le personnage. En français nous avons de plus en plus d'informations disponibles, et ceux qui comprennent l'anglais je crois qu'il y a plusieurs documentaires disponibles à son sujet. Ne passez pas à côté si vous ne voulez pas manquer le train qui s'engouffre tranquillement pas vite dans un nouveau paradigme. "Times are changing", chantait Bob Dylan.

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