Les grands enjeux de société et les idées qui en font la trame, avec humour, passion et gravité.
27 Août 2021
Voici ce qu'écrit le traducteur de ce livre bien documenté et exceptionnel, dans son avant-propos. Tout comme l’auteur, il sait que pour comprendre et pénétrer les caractères d’Hitler et de Wittgenstein, plus loin et plus profondément dans la genèse de leurs idées et de leurs croyances, il faut connaître un tant soit peu l'histoire antique de l'Inde, seulement ainsi pourra-t-on appréhender ce qui stimulait l'intelligence hors du commun dont la nature les a dotés. Kimberley Cornish n'est pas en reste sur le sujet. Tant mieux. C'est en recherchant les causes premières et en les ordonant, tout en se gardand des préjugés et des superstitions tels que nous les avons nourris à souhait durant des siècles, que nous arriverons à faire un pas de géant dans les sciences sociales. Car je ne crains pas de le dire, en ce domaine nous sommes des nains. Pour preuve, j'en veux les premières lignes de cet avant-propos de Paul Audi sur la cause du feu. Je vous dis donc tout de go la faiblesse de son raisonnement : il ne prend pas en compte que les feux, à cause du vent, peuvent se déclencher tout seuls, sans l'intervention de l'homme. Cette dernière, par conséquent, n'est pas toujours la cause première. Or les hindous connaissaient très bien ce phénomène naturel décrit dans la littérature sanskrite, alors que chez nous, en France par exemple, on croit innocemment que l'homme préhistorique a inventé le feu. Ou découvert. Darwinistes et consorts étant les instigateurs de cette grossière méprise.
Forcer l’idée d'union, que tout est un, contre la diversité individuelle, à l'instar des mystiques, pratiquants ou non, voilà une tentation mentale récurrente vouée à une impossibilité sociale et biologique. Ma réflexion ci-dessous tourne autour de ce problème, suite à mon billet précédent concernant le livre intitulé Wittgenstein contre Hitler, avec pour sous-titre Le juif de Linz.
Car plus l'environnement et le climat sont propices à l’évolution, plus le savoir et les connaissances sont en proportion avantageux. Les Indiens vivaient dans un environnement favorable et riche à leur l’évolution. Ils n’ignoraient pas que le bambou prend feu avec le vent et se déploie en causant des incendies. Imitant la nature, ils frottaient du bois et allumaient un feu. Rien de sorcier dans cet accomplissement. Les forêts de bambou ont toujours existé en Inde, pays favorable au développement de la connaissance. Plus la variété des espèces est nombreuse et plus enrichissante est l'expérience. Dans les contrées désertiques ou glaciales, il a peu de variété. Il faut chercher le savoir et l’expérience ailleurs. Ainsi les Grecs cherchèrent leur savoir en d'autres lieux, par la force de l'épée, leurs terres étant ingrates. Ils n'avaient pas de forêts avec des éléphants, des singes, des mangues et du bambou qui prend feu. Les hindous allumaient le feu sacré avant que la Grèce n’existe. Les brahmanas, des centaines de milliers d'années avant que la Grèce ne soit identifiée en tant que nation, avaient enseigné oralement de génération en génération et écrit dans les premiers livres d'histoire (les Puranas) que des situations peuvent se produire sans cause apparente, tout comme prend le feu dans une forêt de bambou avec la complicité du vent et du soleil, sans cause humaine (pour corriger ce qu'a écrit le traducteur, Paul Audi, comme relevé plus haut).
Cela étant dit, la faiblesse ontologique de ce premier paragraphe se vérifiera tout au long de la lecture du livre qui tente de remonter aux raisons profondes de la haine des juifs par Hitler et, aussi, de l'adhésion métaphysique et idéologique de Wittgenstein au projet de Staline: la non-propriété privée, communisme absolu où la pensée est unique, universelle, une utopie on ne peut guère plus castratrice. Deux hommes, deux folies, un fantasme commun létal à des millions de gens sur des années interminables. Chercher l'erreur! La piste n'est pas sans repère; ils ont été ensemble à l'école primaire de Linz.
Comme quoi la lecture ou la musique ne rend pas plus civilisé ou meilleur...
Bien qu’il soit question de judaïsme dans ce livre, je fais partie de ceux pour qui cette religion a peu d'intérêt du point de vue philosophique et spirituel. En outre, je me rends compte que je n'ai jamais rien lu sur Hitler. Le personnage, bien qu’extraordinaire et démoniaque tel que le destin en produit rarement d'aussi populaire, n'a pas éveillé en moi de curiosité particulière pour en étudier la biographie. C'est le philosophe Wittgenstein qui m'intéresse, et aussi le fait que l'auteur, Kimberley Cornish, fut un élève de Paul Feyerabend, que j'admire. Avec ce dernier, on sait que le résultat de la recherche scientifique en histoire et en logique prendra des chemins de traverse. Deux autres personnages sont étudiés en rapport avec la haine des juifs que nourrissait Hitler à leur égard: Wagner et son contemporain Schoppenhauer. Ce sont eux qui sont les stimuli de sa haine et non Nietzsche, comme on le croit souvent. Paul Audi, le traducteur, mentionne une habitude d’Hitler que celui-ci dévoila à la cinéaste Leni Riefensthal et ”dont il n'y a aucune raison de mettre en doute la véracité”, précise-t-il : ”Chaque nuit, lui confia Hitler, je lis au moins un livre, parfois deux, même si cela m'oblige à me coucher tard.” C'est dire qu'il n'était pas un ignorant en matière de culture. ”Et quelle est votre lecture préférée ”, lui demanda encore la cinéaste. Il lui répondit du tic au tac: ”Schoppenhauer. Il a toujours été mon maître.” Elle relança: "Pas Nietzsche?” Il sourit et s'expliqua: "Non, Nietzsche ne me mène pas loin et ne m'apporte pas grand-chose. Il est plus un artiste qu'un philosophe, il ne possède pas cette clarté de cristal des raisonnements de Schoppenhauer, cette limpidité d'intelligence.” Devant son étonnement, il ajouta: "Naturellement, j'apprécie en Nietzsche un génie, qui est peut-être la plus belle langue de la littérature allemande jusqu'à nos jours. Mais il n'est pas mon modèle.”