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Le blog de Maroudiji

Les grands enjeux de société et les idées qui en font la trame, avec humour, passion et gravité.

Comprendre Dieu à travers la Bhagavag-gita

« La version de Bhaktivedanta est un dualisme primaire et ses commentaires frôlent le sectarisme, c'est pour cette raison qu'elle n'est pas retenue comme une étude sérieuse. La version de Sankara est abusive dans le sens opposé, non dualisme absolu, aucune des deux qui ne reflète pas la vision la plus haute. J'espère que vous en avez conscience » Anonyme.

Arrivé sans un sou à New-York au début des années 60, B. S. Prabhupada commença à prêcher et à chanter les gloires de Krishna dans un parc.Je ne sais pas quel âge a cette personne qui m'écrit à plusieurs reprises avec autant d'acrimonie au sujet de mes textes mais si elle n'a pas encore trouvé sa Bhagavad-gita de prédilection, c'est qu'elle n'a pas de maître spirituel de ce que je devine. ( Les commentaires que l’on trouve à la suite des versets qui la constituent sont une initiation à la voie de la bhakti, ainsi l’auteur, selon la tradition, devient un guru si le lecteur prend à cœur ces commentaires.*) Comment pense-t-elle alors pouvoir comprendre ce savoir confidentiel qu'est la Bhagavad-gita ? Car il est écrit : idam tu te guhyatamam pravaksyamy anasuyave, "Ce secret des secrets, je te le déclarerai, à toi qui est sans malveillance." (Traduction de Sylvain Lévy.) C'est écrit noir sur blanc (noter le ‘sans malvaillance’ anasuyave).

Les gens de l'acabit de cet anonyme prétendent avoir assimilé l'enseignement de la Bhagavad-gita mais, singulièrement, ils n'en tiennent pas compte. Ils veulent tenir la queue de la poêle tout en raisonnant comme un tambour. Krishna ne stipule-t-il pas l'importance du guru pour progresser sur cette voie ? Voici ses mots exacts et la traduction d'Olivier Lacombe : tad viddhi pranipatena pariprasnena sevaya « Sache-le, si tu te prosternes devant eux, les interroges et les sers, les Sages qui connaissent intuitivement la réalité t'enseigneront le chemin de la connaissance. » En plus de ne pas prendre en considérations les paroles de Krishna, ils donnent par-dessus le marché des leçons à ceux qui connaissent la Bhagavad-gita quasiment sur le bout des doigts. Ils poussent Radha et Krishna tels qu'adoraient dans les temples à travers le monde selon le standard établi par Bhaktivedanta Swami Prabhupadal'ironie jusqu'à se moquer de la traduction d'un grand maître et dévot de Krishna tel que feu Bhaktivedanta Swami Prabhupada. Et c'est à peine si j’ai prononcé le nom de ce grand bhakta, un pur dévot. Par pur dévot, nous désignons ainsi la démarche de celui qui a été absorbé corps et âme à transmettre les enseignements de Krishna et qui les appliquent à sa propre personne. Or, à part Bhaktivedanta, je n’en connais pas d’autres qui se sont attelés à cette tâche, ni Vivekananda, ni Maharishi, ni Osha (rajnish), ni Radhakrishnan, ni Gandhi, et j’en passe. Il a été le seul a promouvoir l'adoration de Radha et Krishna et à construire des temples en leur honneur à travers le monde. C'est grâce à lui que l'on connaît aujourd'hui, en Occident, cette forme de religion qu'est le vaishnavisme. C'est grâce à lui que l'on comprend que le Brahman, l'union avec Dieu, dans le sens où l'individu se fond dans cette substance pour perdre son âme, n'est pas ce que préconise la Bhagavad-gita. Ce qu'elle proclame, au contraire, Srila Prabhupada l'a traduit ainsi: « Qui me connaît comme le Seigneur suprême, principe même de la manifestation matérielle, source des devas et Maître de tout sacrifice, peut, le mental fixe, même à l'instant de mourir, me saisir et me connaître encore. »

 

*Voir l’histoire d’Ékalavya dans le Mahabharata qui est assez particulière, Dieu merci. Sans la présence du guru et sans ses instructions personnelles, allant même contre sa volonté, il réussit à obtenir tous les bénéfices d'une telle instruction. Il est à noter, toutefois, que c'est un enseignement martial et non spirituel.
Pour lire l'histoire:

 

Le plus souvent, ils vont jusqu'à s'identifier à cet Absolu et
à déclarer ni plus ni moins être eux-mêmes Dieu.

 

Je suis Dieu J'ai mentionné quelque part que la version de la Bhagavad-gita de Bhaktivedanta Swami Prabhupada était la plus compréhensible et j'en ai fait des comparaisons. Quelqu'un a répondu pour me signifier son désaccord et paraissait très perturbé par l'enseignement de ce dévot de Krishna, allant jusqu'à l'accuser de fanatisme. Je reproduis ici l'échange, il donne le ton et la mesure de ces gens qui s'approprient les enseignements de Krishna  et les détournent à leur profit, tout en lui dénigrant une réalité ontologique et une existence en bonne et due forme. Ce sont des "impersonnalistes", mayavadis comme on dit en sanskrit; ils sont d'avis que Dieu est avant tout énergie, la Lumière primordiale, et qu'il est ultimement sans individualité, sans personnalité. Le plus souvent, ils vont jusqu'à s'identifier à cet Absolu et à déclarer ni plus ni moins être eux-mêmes Dieu. Un pauvre Dieu, s'il en est, on en conviendra. Le comble, c'est qu'il y a un public en masse pour y croire et les soutenir !

 

Cette personne anonyme écrit que ni la version de Bhaktivedanta ni celle de Sankara ne sont valables, car elles sont extrémistes. Je lui demande alors : « Dites-nous donc laquelle vous paraît appropriée, puisque vous semblez vous y connaître ! » ( En effet, ils sont rares ces gens qui m'écrivent pour gloser sur cette littérature spirituelle. ) « Je la cherche encore », me répond-elle. Il vaut mieux dans ce cas avoir un oiseau dans la main que deux dans le ciel...

 

La gita s'adresse-t-elle à tous ? Oui, mais elle prend sens qu'à celui qui est cher à Krishna. Grosse nuance.Elle finit par proposer la Bhagavad-gita de Radhakrishnan, pour son objectivité... « En quoi, demandai-je, est-il mieux qualifié pour la commenter ? En quoi Radhakrishnan correspond-il mieux au profil du bhakta décrit par Krishna pour que vous préfériez sa version aux autres ? » Je rappelle ce que dit Krishna à ce propos, entre autres : satatam kirtayanto mam, ils sont constamment engagés à me glorifier; namasyantas ca mam bhaktya, mon dévot m'offre ses hommages en se prosternant devant moi avec amour et dévotion; nitya-yukta upasate, et cette attitude dévotionnelle ne connaît pas d'interruption.

-La Gita n'est pas un livre sectaire, m'écrit-elle, mais offre au contraire la vision la plus large qui soit et reconnaît la diversité des chemins. Pourquoi faudrait-il en limiter le sens et ne retenir que quelques versets qui nous plaisent et nier les autres ?
-Il vous faudrait alors donner des exemples de cette libéralité. Krishna précise pourtant que seul son bhakta vient à lui et il énumère les qualifications concernant ce serviteur. Il ne dit pas (excusez cet anachronisme)
« si vous adorez Jésus-Christ, Mohamed ou Durga c'est tout comme si vous m'adorez -et vous viendrez à moi. » Au contraire, tout au long de la Gita il martèle le fait que seul son pur bhakta lui est cher.

 

« Un vrai bhakta, cher au Seigneur, continue notre intervenant (e), n'est pas un sectaire idolâtre enfermé dans son mouvement qui mépriserait tous ceux qui ne suivent pas sa voie. Celui qui ne voit que l'aspect impersonnel de la vérité ne connaît pas la vérité dans sa totalité, mais on peut en dire autant de celui qui se limite exclusivement à un aspect personnel. Dieu réunit en lui ces deux aspects, comme le Yin et le Yang. Vous confondez la forme et le Verbe qui s'exprime à travers cette forme de Krishna dans la Gita, et à partir de là votre vision est faussée et vous devenez idolâtre. Que la forme de Krishna soit un support de méditation, qu'elle réponde à un besoin de merveilleux, je n'ai rien contre. Si dans la Gita, l'Être suprême s'exprime par la bouche de Krishna, il n'est pas limité à cette forme humaine qui n'est pas la forme originelle de Dieu comme l'affirme naïvement (sic) Bhaktivedanta Swami Prabhupada. Dans aucun verset cela n'apparaît, mais pour conforter ce dogme anthropomorphe qui est totalement en opposition avec l'hindouisme ( j'espère que vous en avez conscience ) il est obligé de jongler maladroitement en faussant l'emploi des temps, en chapitre XI 51 à 54. C'est juste de la tromperie. »

 

Dr. Radhakrishnan et MirabaïPourtant le vaishnave est le seul qui admette la variété authentique des formes de Dieu. Il ne les considère pas comme des "supports" temporels et superficiels qui reprennent, après leurs manifestations en ce monde, leur aspect originel, c'est-à-dire Lumière transcendantale... Ce point de vue, en vrai, s'apparente à une perspective moniste ou, ce que l'on connaît bien en Occident, à un monothéisme radical cher aux juifs, aux chrétiens et aux musulmans. Le vaishnave, lui, reconnaît et le Brahman, et Shiva, et Durga, et Vishnou, et Bouddha ! etc, comme des représentations authentiques du suprême. Quand il leur offre ses hommages, il ne les prend pas pour des figures de style ou des "supports". Pour lui, Dieu se manifeste de différentes façons, mais il sait distinguer, ainsi que le préconisent les textes sacrés, entre Dieu et ses énergies. Le Brahman est une énergie. Et une énergie a toujours une source. Maya également est une énergie ; par conséquent ils ont une source. maya tatam idam sarvam jagad avyakta-murtina : "Tout ce monde vivant est sous-tendu par moi (Krishna) dans mon état non-manifesté." (O. Lacombe) Tout comme la chaleur ou la lumière ont une source -le soleil. On peut dire que la lumière, partout diffuse, et le soleil sont une et même chose, mais quand on veut être précis la distinction est cruciale.

 

D’après notre intervenant, je confondrais la lumière avec le soleil, je suis donc un idolâtre parce que je crois que le soleil est supérieur à la lumière. Il faudrait, toujours selon lui, distinguer le bon grain de l’ivraie, le verbe de la forme, car ce sont deux entités différentes, l’une réelle, l’autre sans substance intrinsèque. Or tout bhakta qui se respecte sait que chez Dieu cette séparation idéologique ou conceptuelle n’existe pas, toutes deux sont réelles, sauf qu’ils discriminent la source de l’énergie, le soleil de la lumière, Krishna du Brahman. Un bhakta vaishnave ne fait aucune différence entre le nom personnel, comme Krishna ou Govinda, et sa forme ou son enseignement. avajananti mam mudha manusim tanum asritam : "Ils me méprisent, les fous, quand je m'incarne dans l'humanité." Ou encore, selon la traductionGrateful dead-clown d'Émile Sénard : "Les égarés ne me connaissent pas lorsque j'assume une forme humaine. Ils ignorent tout de mon essence suprême de Souverain des êtres." Le verset qui suit enfonce davantage le clou: "Vaines sont leurs espérances, vains leurs actes, vaines leur science, ce sont des insensés." Ils considèrent ceux qui adorent Krishna, sous sa forme telle qu'il est représenté dans la Bhagavad-gita, comme des idolâtres. Pour eux, Krishna est partout sauf dans le temple, sauf sous cette forme qui est à leur yeux un "support'' pour la méditation, rien d'autre... Mudha ! avajananti mam mudha. Mudha signifie imbéciles. Krishna dixit.

 

DurgaPour ce qui est de l'hindouisme, le concept ne signifie pas grand chose à mon entendement. Il fait allusion à un melting-pot socio-politico-religieux que l'on passe pour la tradition spirituelle de l'Inde, celle qui a suivi le déclin dramatique de l’âge védique et dont la figure de proue reste Bouddha. Faut-il rappeler que ce mot, Inde, a été forgé par les musulmans et que, paradoxalement, il est revendiqué par le peuple indien avec passion pour nommer ce qui les unit !? Ce faisant, ils s'enferrent jusqu'à la garde et laisse la bride sur le cou à Kali, leur déesse préférée.

 

Ce que nous dit encore cette personne, c'est que Krishna ne serait pas la forme originelle de Dieu. Perspicace comme elle est, elle déclare n’avoir rien contre le fait de considérer Krishna comme un "support". Pour elle, un grand commentateur tel que Bhaktivedanta n'est qu'un naïf et un menteur. Elle fait partie de cette tradition d'érudits à laquelle appartient Madeleine Biardeau et tutti quanti qui font bon marché de Vyasadeve, l'auteur du Vedanta-sutra et du Mahabharata, et qui le traite de tricheur parce qu'il cacherait à ses lecteurs la vérité au sujet du bouddhisme. Il est aisé d’en donner des exemples qui foisonnent dans leurs ouvrages. En voici un que je détache de son livre L’hindouisme: « Il faut distinguer de ce premier groupe qu’on appelle habituellement les épopées (Ramayana et Mahabharata), les premiers textes narratifs qui, tout en baignant dans l’atmosphère sacrificielle des Veda, s’en serve pour dire autre chose et n’hésitent pas à utiliser leurs thèmes, leurs personnages, leurs sites et leurs procédés de style pour donner des textes versifiés souvent codés, et les livrer à notre sagacité en nous lançant de temps à autre un clin d’œil sous forme d’une trace ténue d’une réalité à déchiffrer par-dessous. » (C'est moi qui souligne.) Faut croire que je ne suis pas sensible à ces fameux clins d’œil que Biardeau détecte et qui parsèmeraient le récit du Mahabharata…

(Chaitanya Mahaprabhu et Sarvabhauma, le grand prêtre de Puri (Orissa)

 

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