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Le blog de Maroudiji

Les grands enjeux de société et les idées qui en font la trame, avec humour, passion et gravité.

Bhagavad-gita chapitres 9 et 10

Citation de Nimbacarya, vaishnavisme

Arjuna possède la qualité indispensable pour comprendre cet éminent savoir : il ne nourrit pas de ressentiment envers Dieu, en tant que Personne suprême ; il est anasuyave, dénué d’envie, de jalousie. Par conséquent, il est habilité à recevoir la sagesse la plus secrète, cette science royale susceptible de le délivrer de l’omniprésent mal inhérent au monde matériel.

De plus, ce secret d’entre les secrets, raja-guhyam, cette voie, qui mène à la perfection des actes et de la pensée, est d’application facile et joyeuse, susukham. Mais, insiste Krishna, une telle personne doit avoir la foi, sinon son initiative, qui consiste à atteindre à la plus haute vérité, sera vouée à l’échec, mrityu-samsara-vartmani, cette âme restera prise dans la roue des morts et des renaissances.

C’est par lui, Krishna, que ce monde et sa diversité sont possibles. La nature entière agit sous sa direction, et il en est la source. Par son ordre, elle est créée, puis anéantie, dans un cycle sans fin. Tous les êtres sont en lui, mais l’inverse n’est pas vrai : personne, aucune chose, ne peut le contenir. Et quoi que fasse Dieu, ses actes ne sauraient le lier : « À jamais détaché d’eux, j’y demeure comme neutre. » (9)

« Les sots me dénigrent lorsque sous la forme humaine
je descends en ce monde. Ils ne savent rien
de ma nature spirituelle et absolue,
ni de ma suprématie totale. » (11)

Ces gens égarés chérissent des vues démoniaques et athées. Ils ne croient pas en l’âme, seul le corps est réel. Le monde, pensent-ils, leur appartient et ils n’ont aucun devoir ou sacrifice à rendre envers lui ou Dieu. Pour eux, l’Univers n’est qu’un objet, exploitable à souhait, contrairement aux croyants, aux grandes âmes, que l’on désigne par le vocable de mahatmas, et qui remercient constamment le Seigneur par leurs actes et leurs prières. (14)

Entre les athées et ces grandes âmes, il y a toute une variété de spiritualistes qui adorent le Suprême d’une manière ou d’une autre, par exemple sous sa forme universelle -le panthéisme, ou dans sa conception moniste ; là, Dieu est perçu comme l’existence unique ; en dernier ressort, ces spiritualistes s’identifient à lui : l’Âme suprême et l’âme infinitésimale ne faisant plus qu’une.

Krishna tient donc, encore une fois, à clarifier les choses. Il dit : « Mais c'est moi qui suis le rite et le sacrifice, l'oblation aux ancêtres, l'herbe médicinale et le mantra. Je suis et le beurre, et le feu, et l'offrande.
De cet univers, je suis le père, la mère, le soutien et l'aïeul. Je suis l'objet du savoir, le purificateur et la syllabe Om. Je suis également le Rig, le Sama et le Yajus (les trois Védas).
Je suis le but, le soutien, le maître, le témoin, la demeure, le refuge et l'ami le plus cher. Je suis la création et l'annihilation, la base de toutes choses, le lieu de repos et l'éternelle semence.
Je contrôle la chaleur,tes la pluie et la sécheresse. Je suis l'immortalité, de même que la mort personnifiée. L'être et le non-être, tous deux sont en moi, ô Arjuna.
C'est indirectement qu'ils m'adorent, les hommes qui étudient les Védas et boivent le soma (la boisson de l’immortalité), cherchant ainsi à gagner les planètes de délices. Ils renaissent sur la planète d'Indra, où ils jouissent des plaisirs des dévas.
Quand ils ont joui de ces plaisirs célestes, quand leurs mérites se sont épuisés, ils reviennent sur cette Terre mortelle. Un bonheur fragile, tel est donc, après avoir suivi les principes des Védas, le seul fruit qu'ils récoltent. » (16 à 21)

Tous les chemins mènent à Rome, dit-on souvent, ainsi toutes les voies conduisent à Dieu, ultimement. Mais le temps est déterminant, car la frustration, la souffrance et le mal-être lui sont concomitants, sachant qu’il faut plus de temps pour parcourir certaines voies que d’autres. Et tant que l’on ne connaît pas Krishna et ses désirs, la quête s’avérera longue et difficile. "Il ne sert à rien de courir vite si l'on ne sait pas où est la maison."

« Ceux qui vouent leur culte aux dévas renaîtront parmi les dévas, parmi les spectres et autres esprits ceux qui vivent dans leur culte, parmi les ancêtres les adorateurs des ancêtres; de même, c'est auprès de moi que vivront mes dévots. » (25)

Rien n’est laissé au hasard dans la cosmogonie hindoue. Les innombrables espèces qui y sont mentionnées, comme ici les spectres et autres esprits, les Pitas par exemple, qui sont les ancêtres, ou alors les gobelins et les fantômes, entre autres, aussi bizarres soient-ils, ont leur raison d’être, et leurs origines et leurs rôles sont expliqués avec force détails dans les écrits tels les Puranas. Mais nous aurons l’occasion d’en reparler dans le prochain chapitre.

Dieu, en tant que père de tous les êtres, ne favorise personne, encore moins une classe, il est impartial, peu importe la situation de l’âme conditionnée, « fut-elle de basse naissance, une femme, un paysan ou même un sudra ». La Gita explique que Dieu portera cependant une attention particulière à celui ou à celle qui cherche à prendre refuge en lui, même s’il a été un grand pécheur. Il en donne la preuve on ne peut plus claire, preuve qui s’inscrit en faux avec les rituels védiques : « Que l’on m’offre, avec amour et dévotion, bhaktya, une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, et cette offrande je l’accepterai. » (26)

« Que dire alors des brahmanas, des justes, des bhaktas et des saints rois, qui, en ce monde éphémère, en ce monde de souffrances, me servent avec amour et dévotion. » (33)

Et du même souffle, Krishna conclut ce chapitre sur cette exhortation : « Emplis toujours de moi ton mental, deviens mon dévot, offre-moi ton hommage et voue-moi ton adoration. Parfaitement absorbé en moi, certes tu viendras à moi. »

_________________________

Chapitre 10

Premier verset: "Dieu, (Bhagavan) dit...". Une fois encore durant cet entretien formidable, Krishna va instruire son ami sur le mystère qu'Il représente en tant que Personne suprême, immanente et transcendantale. Après tout il est Dieu et son identité, son être, ne se révèle pas aisément, même à Arjuna, son proche, que dire de nous, lecteurs insignifiants. Que dire de la futilité d'une telle espérance pour celui qui fait l'économie du maître spirituel et qui s'imagine atteindre à l'essence des choses par la force des neurones! 

Dès le deuxième verset, Krishna met tout de suite les choses au clair: personne ne connaît son origine, ni les dévas ni les grands sages. Il ajoute, pour dissiper les doutes, que ces derniers sont ses créations, voilà pourquoi ces hautes personnalités demeurent dans l'incapacité de saisir et de définir proprement son statut. Ils ont cependant le lucide avantage et l'heureuse fortune de reconnaître sa suprématie sur tout ce qui existe – et que de lui seul tout, absolument tout, procède. Ce à quoi athées et asuras se rebiffent tant ils exècrent ce destin de subordination. 

Ils ne croient pas Krishna quand celui-ci dit aux versets 4 et 5 : "La raison, la science, la certitude, la patience, la vérité, la continence, la paix, le plaisir et la douleur, la naissance et la destruction, la crainte et la sécurité, la douceur, l’égalité d’âme, la joie et les austérités, la munificence, la gloire et l’opprobre, sont des manières d’être des choses, dont je suis le distributeur." (Traduction Émile-Louis Burnouf. 1861)

Chapitre 10 de la Bhagavad-gita, le mystere de Dieu

Quelques versets plus loin krishna revient là-dessus : «Les sept grands sages, les quatre autres, qui furent avant eux, et les Manus [les pères de l'humanité] sont nés de mon mental; tous les êtres, en ce monde, sont leurs descendants.» (6)

Évidemment, pour nous qui peinons à faire remonter l'histoire à plus de 10 000 ou 20 000 ans, les Pères de l'humanité et les Sept Grands Sages ne signifient rien dans le cadre de notre conception du temps. Leurs avènements se comptent en millions d'années, ce que Krishna avait déjà indiqué au premier verset du chapitre quatre et précisé que: tous les êtres en ce monde sont leurs descendants.

Krishna enseigne la Bhagavad-gita à Arjuna. Chapitre 4, verset 1

Vous réalisez la différence de paradigme avec le nôtre? Il est dit ici que nous sommes les descendants de Manu. Car selon la parole védique, au commencement il y a les sages. Ce sont des hommes supérieurs. Le paradigme occidental est à l'antipode: à l'origine il y a les bêtes ; nous sommes des bêtes. Des Grecs aux Juifs, en passant par Darwin et l'Ecole de Francfort, nous sommes des bêtes; de l'être inférieur, de l'amibe, les êtres civilisés surgissent. De rien il y a quelque chose. Vous voyez la différence ?

Originellement il n'y a pas de titres aux chapitres de cette œuvre. Sri Aurobindo a appelé celui-ci La parole suprême de la Gita, ce qui est significatif puisque nous sommes au cœur de l'entretien. Les six chapitres du centre sont consacrés à la bhakti, au yoga de l'amour, l'union spirituelle entre le dévot et Dieu. 

Pour peu que l'être conditionné s'intéresse positivement à Krishna et à sa puissance, méditant sur la création des Univers qu'il produit, tout en appréciant la beauté de l'entreprise,  cette  prise de conscience et l'intelligence (buddhi-yogam) requises pour saisir cette inconcevable réalité nous sera instillée par Dieu, sous la forme et le nom de Paramatma. Voici ce qu'il dit:

«Vivant dans leur cœur, et plein pour eux de compassion,
je dissipe du flambeau lumineux de la connaissance,
les ténèbres nées de l'ignorance.» (11)

Arjuna est un disciple convaincu de la plus haute foi et on le reconnaît à son exaltation lorsqu'il s'exclame:

«Tu es le Brahman suprême, l'ultime demeure, le purificateur souverain, la vérité absolue et l'éternelle personne divine. Tu es Dieu, l’être primordial, originel et absolu. Tu es le non-né, la beauté qui tout pénètre. Tous les grands sages le proclament, Narada, Asita, Devala, Vyasa; et toi-même, à présent, me le révèles.» (12)

Dieu est cependant incommensurable et si diversifié qu'Arjuna se rend bien compte qu'il ne peut arriver seul à percer son mystère. Il demande à Krishna, puisqu'il sait tout et que personne d'autre que lui-même ne peut le connaître, de lui révéler ses Puissances (vibhutis) par quoi il pénètre les mondes. Il ne se lasse pas de l'écouter à ce sujet. Et aussi: «Comment dois-je sur toi méditer, ô Yogi suprême? Dans quelles formes te contempler?» (17)

Cela ressemble tout-à-fait à un Dieu personnel. Paramatma est le même Dieu pour tous.

Paramatma, l'ame supreme, Krishna, dans la bhagavad-gita

C’est le véritable yoga que celui qui conduit à cette vision : Dieu, présent en chaque être vivant. Sans lui, la matière serait inerte, sans vie. Même les atomes seraient incapables de se mouvoir. L’âme suprême et l’âme individuelle se côtoient dans le cœur de chaque être pourvu de conscience. En d'autres mots, l'âme, individuelle, ne peut exister dans un corps si l'Âme suprême n'y est présente. Ils sont toujours deux dans un corps.

Et Krishna, donc, de décrire les plus saillantes de ses puissances :

"Parmi les purificateurs, je suis le vent, et d'entre ceux qui portent les armes, je suis Rama. Chez les poissons, Je suis le requin, et parmi les cours d'eau, le Gange. Je suis la mort qui tout dévore, et aussi la source de tout ce qui est à venir. En la femme, Je suis le nom, la fortune, mais aussi les belles paroles, la mémoire, l'intelligence, la fidélité et la patience. (34) Mais à quoi bon, ô Arjuna, tout ce détail? Car, l'Univers entier, par une simple étincelle de ma personne, je le pénètre et le soutiens." (42)

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