Les grands enjeux de société et les idées qui en font la trame, avec humour, passion et gravité.
6 Juin 2013
Nietzsche : par-delà le bien et le mal
«Il faut, avant toute autre chose, écrivait Nietzsche, donner le coup de grâce à cet autre atomisme, plus néfaste encore, l’atomisme des âmes, que le christianisme a le mieux et le plus longtemps enseigné. Qu’il me soit permis de désigner par ce mot la croyance qui considère l’âme comme quelque chose d’indestructible, d’éternel, d’indivisible, comme une monade, comme un atome. C’est cette croyance qu’il faut expulser de la science! Il est d’ailleurs nullement nécessaire, soit dit entre nous, de se débarrasser de l’«âme» et de renoncer à l’une des hypothèses les plus anciennes et les plus vénérables, comme il arrive de le faire à la maladresse des naturalistes qui, dès qu’il touche à l’«âme», la perde aussitôt. La voix reste ouverte à des conceptions plus subtiles de l’âme…»
Il est drôle, Nietzsche, à friser le ridicule, quand il déclare dans Par-delà le bien et le mal, à propos de l’âme, que «le christianisme a le mieux et le plus longtemps enseigné» cette subtilité. Du reste, il s’insurge carrément contre les Védas et son enseignement. Dans le christianisme, si vous ne le savez pas encore, la notion de l’âme est un emprunt à d’autres cultures. Le dogme de l’âme est une pure spéculation et c’est d’ailleurs celle-ci que Nietzsche propose d’affiner. Comme si quelqu’un savait ce qu’est l’âme?!? Comme si elle pouvait être saisie par la raison et la logique? En plus, il écrit : «Dans l’Ancien Testament juif, le livre de la justice divine, il y a des hommes, des choses et des discours d’un si grand style que les littératures grecque et hindoue n’ont rien à leur proposer.» A-t-il seulement lu le Ramayana ou le Mahabharata pour porter un jugement aussi hasardeux ? Le livre de Lamartine, Shakuntala, qui reprend une histoire du Mahabharata, aurait pourtant dû attirer son attention. Combien de grands écrivains ont loué le style et l'émotion qui nous envahit à sa lecture !
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Une pierre d'achoppement, l'âme, dîtes-vous, alors que par définition l'âme est spirituelle? Et les rédacteurs du magazine ont le toupet de prendre les concepts matérialistes de la Bible pour les transposer à l'Inde. Ils ont préféré jouer sur l'ambiguïté. Agissant ainsi, ils creusent le fossé de la confusion de la même manière qu'ils s'y prennent avec l'expression "indo-européen".*
Ce néologisme signifiait, et signifie toujours, à tort, que l'influence est avant tout européenne -l'Occident étant supérieur et l'Asie primitive.
Cette méthode de raisonnement provient du bois dont on fait les racistes, ceux qui ont pensé le monde à partir de leur nombril blanc. Citez donc un texte védique qui décrive l'âme comme le souffle ou le sang ? Où a-t-il jamais été écrit que les Hindous ont spéculé pour concocter l'âme ou autres réalités spirituelles ?
Dans la tradition védique, on ne spécule pas ! On ne fait pas de philosophie ! On se base sur les Védas, des textes révélés par Dieu ou par l’intermédiaire du démurge de l'univers, Brahma, son dévoué serviteur (dans notre petit univers, il n'a que quatre bras et quatre têtes). C'est ne rien comprendre à l'Inde que de baragouiner ces sottises en guise de savoir. Vous n'avez donc jamais lu que les sages d'antan avaient en horreur de broyer du noir pour pondre une opinion, qui plus est servira de postulat et deviendra un verrou du savoir ? Ceux qui l'ont fait, comme Bouddha, se sont volontairement exclus du cadre védique. Ils ont inventé leur propre système de pensée.
On voit bien par là que vous ne connaissez pas les règles de l'argumentation, lors des débats philosophiques, pourtant si répandus en Inde : les participants, doivent, pour imposer leur autorité, se référer -à la lettre- aux textes védiques et non à ce qui se trouve à l'intérieur de la circonférence de leur boîte crânienne. Il semble que pour les rédacteurs du Monde des religions, philosopher soit prétexte à raconter n'importe quoi, taillé et ficelé sur le patron des concepts occidentaux, matérialistes et athées à souhait. Ce faisant, vous appliquez cette manière de penser à tout ce que vous observer.
Puis, vient la cerise sur le gâteaux : la science ! Mais que sait-elle, la science, sur l'âme ? Non seulement vous ne connaissez pas grand-chose à la littérature ancienne de l'Inde mais vous pédalez dans la choucroute quant à la position de la science tel que les écoles de Karl Popper, de Bertrand Russel ou même d'Einstein, l'ont définie : la science, la vraie, ne s'occupe pas de ce qui ne peut être vérifié, contredit. La science est incapable de dire si l'âme existe ou pas et ne s'en préoccupe guère. Allez refaire vos devoirs !
Quand la norme est depuis longtemps une déviation,
le progrès laisse à désirer.
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«Examinons à fond la question, dit Socrate».
Je vous propose de faire l'examen avec moi, les écailles vous tomberons des yeux. Si vous êtes un philosophe craintif ou craintive et que vous aimiez le confort de la tour d'ivoire, il va sans dire que le sujet ne vous concerne pas.
Je ne suis pas philosophe mais je me demande pourquoi et comment le corps peut-il gêner l'âme ? Pour une réponse, il faut lire avant tout une définition de celle-ci. Sinon, c'est mettre la charrue avant les bœufs. C'est vrai, en plus, ce que dit Cébès, la plupart des gens ne croit pas en l'âme, encore moins aux dieux. Socrate croyait aux dieux.
Mais pour ce qui est "des preuves solides", je doute que l'âme puisse faire les siennes ; c'est une expression de sophiste, on n'est pas sur la même longueur d'onde. Mais écoutons Socrate nous expliquer tout ça.
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L'Écriture ancienne selon Christian Jacq.Voilà ce qui est écrit dans ce livre d'histoire et de définitions à propos de l’entrée "âme" : « Quand les Égyptiens devenus chrétiens (v. Coptes) parlent de l’âme, ils empruntent au grec le mot psyché; c’est montrer clairement qu’aucun des termes de la vieille langue ne correspondait exactement à la notion chrétienne de l’âme, élément spirituel et immortel de l’individu. Pourtant les mots sont nombreux en égyptien qui désignent les composantes de l’être humain autres que le corps; malheureusement les Égyptiens n’ont jamais éprouvé le besoin de définir clairement ces notions »
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Peut-on postuler que les mythes sont déterminants pour juger de la puissance fondatrice d'une civilisation?
Je trouve que "complet et intelligent" est une expression bien subjective... Peut-être que les Indiens ont repris cette conception à un autre peuple pour ensuite la développer et la rendre plus compliquée. Il me semble que tous les peuples du monde, même les plus primitifs, ont quelques notions de l'âme.
-Tout est subjectif quand la chose dont on parle n'est pas définie et s'apparente à un mystère plutôt qu'à une énigme. Pour éclaircir le ''peut-être il faudrait les compararer, car comme vous dîtes ''tous les peuples ont des notions de l'âme''. Mais tous les peuples ne sont pas égaux sur le plan des connaissances, il y en a de plus avancé que d'autres. L'âme est la pierre angulaire des civilisations par laquelle on peut comprendre leur développement spirituel. Ne pas se soucier de sa définition et de son histoire, à l'instar de ceux qui s'en félicitent comme d'un privilège distingué, c'est cultiver sciemment l'ignorance des questions spirituelles, ce qui est le plus souvent le cas dans les religions monothéistes. «Je dis que le concept complet et intelligent de l'âme se retrouve en Inde.
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Les religions Arabes et d'Europe se sont toutes plus ou moins inspirées de la civilisation mésopotamienne. De là, leur confusion en ce qui concerne l'âme qu'ils identifient tantôt au corps, tantôt à l'esprit.
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« Dieu t’a donné la faculté de penser, comme il t’a donné tout le reste ; et s’il n’était pas venu t’apprendre dans les temps marqués par sa Providence que tu as une âme immatérielle et immortelle, tu n’en aurais aucune preuve. » Voltaire
Tous les endroits où je me suis rendu pour me mettre à jour sur la manière dont les connaissances se développent à Montréal, qu'elles soient scientifiques, politiques ou philosophiques, les intervenants ne voulaient pas réellement débattre, par manque d'humilité; mais il font comme si...
Il suffit d'aller, ici, sur mon blog pour en avoir une petite idée link.
Petite question de rien du tout, mais quand elle est posée par quelqu'un comme moi, formé à l'argumentation, la réponse est nulle. Peut-être n'avez-vous pas bien compris ce que je dis là ; je répète, ainsi vous pourrez vous préparer, pour vos prochaines réunions, si vous êtes sérieux, quand quelqu'un vous la posera: votre connaissance de l'âme est NULLE; vous ne savez pas exprimer une pensée claire et précise de ce que représente cette chose spirituelle qui constitue, encore aujourd'hui, le noyau le plus persistant de la pensée de la majeure partie de l'humanité.
Et il n'est pas question seulement de ce vocable à visée transcendantale, mais bien d'autres, des concepts comme Démocratie, Personne, Science ou Philosophie sont absolument confus à vos esprits, ce qui fait que le reste, toutes les arguties savantes à leur sujet, n'est guère impressionnant. Quand les gens en parlent, ils n'en connaissent même pas l'étymologie et exécutent sans cesse la quadrature du cercle dont la circonférence forme le paradigme gréco-judaïque.
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« L’homme a su construire de grandes civilisations » écrit Laura Bossi, dans L’histoire naturelle de l’âme. Malheureusement, comme toujours, comme la plupart des intellectuels, elle fait fi de l’une des plus grandes civilisations qui n’ait jamais existée et qui a produit la littérature la plus exhaustive et la plus savante, savante dans le sens le plus près de son étymologie. Elle mentionne sa prédilection pour l’œuvre de Platon, pour son âme tripartite ou l’âme ailée... Elle raffole également d’Aristote, de « sa construction poétique de la grande échelle des êtres » et de ses efforts pour mettre de l’ordre dans le chaos. « Comment ne pas admirer aussi la grande synthèse de saint Thomas » écrit-elle, de l’optimisme sublime de sa foi en la résurrection des corps »; elle y met tout de même un bémol (qui croit encore à la ‘zombification’ des morts?). Elle est désolée qu’on ne suive pas Bergson, Freud et quelques autres qui se sont mesurés à repenser le monde dans le cadre de la science moderne. Et elle se pose naïvement la question, si c’est un refus de la part des théologiens et des philosophes d’étudier les sciences. Et si les scientifiques, à leur tour, ne font-il pas de même envers ces disciplines. Je dis ‘naïvement’ parce qu’elle se demande s’il n’y a pas d’alternative, sans avoir fait le tour des savoirs et des civilisations qui ont proposé des solutions différentes, comme l’Inde védique. Ou aurais-je dû écrire ‘hypocritement’? Voyez donc : « N’y a-t-il pas d’alternative en un ‘humanisme’ prométhéen, qui ne voit dans le monde naturel qu’une étendue de matériaux à exploiter […] et un naturalisme qui refuse de distinguer des hiérarchies, des degrés de l’âme dans le vivant et devient aveugle à l’humanité de l’homme ? » C’est ce qu’écrit Laura Bossi, en toute bonne foi à la fin de son livre de 450 pages (très bon, tout de même, je l’ai lu avec grand intérêt.) Selon elle, il faudrait faire revivre notre passé culturel, riche de savoir, « étudier notre histoire et garder la mémoire de notre civilisation » au lieu de cette folie, continue-elle, qui nous donne le sentiment que le monde réel est mort. Et voici la triste conclusion de son livre : « Au moins le psychiatre laissait-il ouverte la possibilité de la guérison ou du passage à l’état chronique. Il semble décidément que la maladie ait dépassé le cas singulier et qu’elle s’étende, telle une épidémie, au genre humain tout entier. Quel médecin de l’âme aujourd’hui nous en guérira-t-il ? » À signaler que les médecins et les curés n’ont jamais compris grand-chose au corps et encore moins à l’âme, et que cet impérialisme culturel qui s’étend telle une « épidémie », et qu’elle dénigre avec frustration, est l’expansion de l’égo occidental. Parlez-nous de faire revivre notre passé que l’on voudrait bien oublier !
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Ce diptyque représente la fusion de deux êtres en extase, un fantasme de jeunesse qui voulait que l'être chéri, dans ce cas ma femme, représente ma "douce moitié" (encore les Grecs...). Aujourd'hui, avec l'âge et l'expérience, je sais que ce n'est qu'une utopie, elle restera toujours elle et moi, moi. De là, deux tableaux que j'aurais aussi pu intituler "Nous".
J'ai lu ce qui suit dans Histoire naturelle de l'âme de Laura Bossi :
Lamarck est un héritier du matérialisme du XVIII s. Pas d'âme dans ses écrits, mais quelque chose qu'il qualifie de "cause excitatrice", comme un "fluide subtil" du genre électricité ou chaleur et qui agirait sur le sang ou les tissus. Cependant, s'il n'est pas vitaliste comme Bichat, il n'est pas complètement mécaniste. Il définit la vie comme "un ordre ou un état de choses" associé à un "organisme vital" et il écrira : "Le phénomène général dont la vie dépend est... l'orgasme. Un principe vital, une étincelle de vie est donc bien présente dans sa théorie.
C'est un peu ce que disent les bouddhistes, et leur croyance à la réincarnation reflète ces idées d'une âme qui n'en est pas une.
On sait qu’Aristote, ne croyait pas à un monde spirituel, au-delà de la matière; cela ne l’a pas empêché de définir ce qu’est l’âne. Bouddha avait fait pareil, mais au moins, lui, c’était un mystique doublé d’un yogi. Cette façon singulière, pour dire le moins, de procéder a généré chez Aristote de nombreux disciples tout au long de l’histoire. J’en ai déjà cité quelques exemples, notamment le fameux Luis Borgès. Voici celui de Cioran*, une autre figure littéraire passionné par la grécité au point d’en être ébloui jusqu’à ne voir rien d’autre, mais sans pouvoir être original quant à l’utilisation du mot ‘âme’.
Tiré de son "Bréviaire des vaincus", il écrit au sujet d’Achille; celui-ci, « apprenant la mort de Patrocle, se jette à terre, met ses vêtements en pièces, s’arrache les cheveux… Qui donc parmi nous comprend encore tant de pathétique inscrit en tant de bravoure? Nous ne sommes plus des guerriers : ignorant la cruauté aussi bien que l’attendrissement, nous conservons notre cœur au froid, nous étouffons la flamme qui pourrait poindre en notre âme. »
À noter, avant tout, les réalisations de ce héros constatant qu’il y a plus d’un couple de millénaires, le temps et l’évolution emportaient déjà avec eux les qualités essentielles de la nature et de l’homme. Or, je ne cesse de prêcher ce phénomène, entre autres celui de la mémoire qui s’amenuise au lieu de se développer, elle qui constitue le fondement de l’évolution. Mais personne ne s’en émeut, tout comme, il y a quelques années, personne quasiment ne s’inquiétait de la destruction de l’environnement et du sort cruel que l’on réserve tout au long de l’histoire aux animaux.
Il continue ainsi : « Car nos âmes ne sont que pesanteur; » Désolé, mais je ne sais pas de quoi il parle, c’est un oxymore que de mêler cette qualité à l’âme, puisque l’âme spirituelle et éternelle n’a rien à voir avec la matière. Ce n’est pas elle qui souffre mais le corps ou l’esprit. Mais inutile de chercher à savoir d’où il tient cette information ni à prendre ses paroles au sérieux, car c’est de la poésie, de la création comme on dit chez les gens in. Écoutez-le encore et je vous laisse là avec cette dernière fantaisie d’artiste : « Des viandes étrangères collées l’une à l’autre frissonne lors de la rencontre charnelle. L’amour offre, à cette pâte de chair et d’âme qui lève, la jouissance de supplices par la voie du plaisir. [---] Honteux, ivre de parfum ambiant, il penche son front sur la chaleur de ce corps d’où l’âme s’évapore. »
*Émile Cioran (1911 en Roumanie-1995 à Paris) Je le connais surtout à travers J.F. Revel
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Tant qu’on ne sait pas comment et qui a promu pour la première fois la notion d’âme éternelle et spirituelle par définition, une cohorte de contradicteurs lui feront toujours un procès en déclarant qu’elle n’existe pas. Déclaration que l’on peut respecter mais non lorsqu’ils s’approprient ensuite le mot et en détournent le sens pour lui dire le contraire de ce qu’elle est, c’est-à-dire mortelle, un oxymore ridicule.
Où l’on apprend que l’âme craquelle…
« A-t-on vu, dans une querelle,
Homme plus prompt à s’humilier?
Ainsi, j’ai l’âme qui craquelle,
Puis tombe en copeaux d’or oublié
hors de la paume du priseur.
Oui, mais mourir en ta faveur
M’est doux, mais mourir de bonheur
C’est un miracle émerveillé! »
Ibn Hazm (994-1064)
Poète musulman d’espagne.
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La différence entre un matérialiste et un spiritualiste repose sur le fait qu’un croit que la matière donne la vie, et l’autre que la matière dépend de l’esprit. L’exemple le plus probant dans le deuxième cas est celui d’un corps dont l’esprit, ou la vie, l’a quitté. Le premier, le matérialiste, est toujours à la recherche d’une preuve. Je note cependant la confusion entre esprit et vie qui, en outre, sont amalgamés, dans de nombreuses religions, à d’autres termes exprimant des substances différentes, comme le souffle ou le sang. Dernièrement, justement, un marocain jurait par un verset du Coran que le souffle, ''ruh'', c’est l’âme. Il était choqué que je lui apprenne que c’est contradictoire à la pensée musulmane, car la notion d’âme dans le Coran, et dans tous les écrits des monothéismes originaux, est inexistante, ce sont les corps qui ressuscitent plus spécifiquement. D’ailleurs, ces croyants ne peuvent pas trouver chez leurs ancêtres spirituels l’étymologie de ce mot, il n’a pas d’histoire, ni fond, ni trace. Je lui ai simplement répondu qu’un chien aussi à un souffle, lui qui ne croit pas que les animaux ont une âme.
Immortalité et réincarnation
Selon le Mahabharata : L'enseignement de la réincarnation